Montée des taux directeurs de la BCE et la crainte d'une hausse du pétrole

16/07/2008
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Après une accalmie en mai, les marchés ont à nouveau fortement baissé en juin. Le déclencheur a été l’annonce par la BCE de la probable montée de ses taux directeurs, ce qui a été confirmé le 3 juillet dernier (taux de refinancement passé de 4% à 4,25%).

 

L’objectif étant d’endiguer l’inflation qui a atteint 4% en juin après 3,7% en mai, conséquence de la hausse des matières premières ; c’est aussi un avertissement aux différents acteurs économiques visant à éviter à tout prix la spirale « inflation - hausse des salaires - inflation ».

 

A cela s’ajoutent les craintes d’une hausse supplémentaire du pétrole sous l’effet principal de la baisse du dollar et de la hausse de la consommation estivale aux USA.

 

Le président de l’OPEP, Monsieur CHAKIB KHELIL, prévoit un pétrole entre 150 et 170 dollars au cours de l’été ; il fait néanmoins remarquer qu’aucun pays n’a manqué de pétrole jusqu'à maintenant et que l’OPEP fera en sorte d’ajuster la production à la demande. Il affirme par ailleurs que les réserves de pétrole sont de 50 ans et que les cours actuels n’auraient pas lieu d’être avec un dollar normalement valorisé et sans spéculation.

 

Selon l’Institut Français du Pétrole, l’augmentation des capacités de raffinage devrait être de 4,3 mbj  (millions de barils par jour) d’ici 2011, ce qui serait insuffisant pour satisfaire une hausse de 9,7 mbj évaluée par l’AIE (Agence Internationale de l’Energie), soit 10% de plus que la consommation actuelle (qui est de 86,5 Mbj). Or l’AIE a révisé déjà 5 fois à la baisse ses prévisions de consommation pour 2008 ; elle table désormais sur une hausse de 0,8 mbj contre 2,1 mbj en décembre 2007. Dans ces conditions, les problèmes d’approvisionnement pour 2012 évoqués par Monsieur de MARJORIE (Président du directoire de TOTAL) pourraient être repoussées de quelques années ? Toujours selon l’IFP, il serait plus vraisemblable que l’on atteigne, sous l’effet d’un équilibre offre/demande, un plateau de production à compter de 2010, plateau qui s’étalerait sur plusieurs années voire plusieurs décennies. Cet institut ajoute également que nous disposons également de 60 ans de réserves de gaz et de 155 ans de réserves de charbons. Or le transfert d’une énergie à une autre est possible dans une large mesure et a déjà commencé, notamment au niveau des entreprises.

 

Il n’en demeure pas moins que les prix élevés dépendent également des craintes de nouveaux cyclones dans le golfe du MEXIQUE (comme en 2005) ou de guerre en IRAN ; pays qui produit près de 4 mbj. Dans le premier cas, l’OPEP pourrait éventuellement compenser la chute de la production mais pas dans le second (selon Monsieur KHELIL). Les conséquences sur les prix seraient alors difficiles à évaluer. Le Directeur Général de GAZPROM, Monsieur MILLER, évoque quant à lui un prix de 250 dollars le baril mais sans en préciser l’échéance.

 

En l’absence de ces événements, et une fois que les phénomènes spéculatifs auront atteint leur limite, il est probable, selon plusieurs sociétés de gestion, que les cours de l’or noir retrouvent des niveaux nettement plus bas.

 

En attendant, ce contexte difficile va avoir des répercussions importantes sur la croissance économique et notamment en EUROPE avec la politique de la maîtrise de l’inflation menée par la BCE. Ce devrait être le cas également dans certains pays émergents, plus sensibles à la hausse des matières premières et à la hausse des salaires qui s’en suit.

 

Pour autant, cette crise, si elle touche de nombreux secteurs comme la banque, la grande distribution ou certaines valeurs industrielles, peut avoir des répercussions moins fortes sur d’autres, comme les télécom, les industries pharmaceutiques, les « utilities » (distribution d’électricité, d’eau, services aux collectivités locales...). Elle peut aussi être favorable à d’autres secteurs comme les producteurs de matières premières (minerais, pétrole, agriculture...) et à leurs fournisseurs ; mais aussi au secteur des énergies alternatives (éoliennes, panneaux solaires, pompes à chaleur...). Ce qui ne signifie pas qu’il faille investir nécessairement dans ces secteurs ; si certaines entreprises sont à des prix d’achat très intéressants, d’autres sont probablement surévaluées (dans les minerais par exemple).

 

Les marchés financiers semblent avoir largement anticipé cette crise puisque les cours des actions dans leur ensemble correspondent à des PER attendus pour 2008 inférieurs à 10 et des résultats des entreprises pour 2009 en retrait de plus de 30%.

 

Il semblerait que nous connaissions les mêmes excès qu’en 2000, mais en sens inverse cette fois. Les PER avaient alors atteint des niveaux de 27 ; et on se souvient de la correction qui s’en suivit.

 

Face à cette volatilité, les gérants actions gardent - comme en l’an 2000 - la même façon de travailler ; c’est à dire qu’ils investissent dans des entreprises sélectionnées pour leur solidité financière, leur management, la récurrence de leurs dividendes et leurs perspectives bénéficiaires en free cash-flow.

 

Ce qui ne veut bien évidemment pas dire que les indices ne vont pas continuer à baisser, sous l’effet d’un « newsflow » économique qui pourrait bien continuer à être négatif. La bourse anticipe toujours de plusieurs mois l’économie réelle ; elle a anticipé le ralentissement qui se profile aujourd’hui ; il est probable qu’elle anticipera également un éventuel redémarrage de celle-ci.