La volatilité des marchés financiers: enquête du Figaro auprès de grandes banques et brokers

19/03/2008
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Les marchés continuent à connaître, comme cela avait été anticipé depuis la fin de l’année 2007, une très forte volatilité (plus de 40%, soit proche des records de 2002). Ce qui l’avait été moins, c’est que les mouvements de baisse seraient systématiquement plus importants que les mouvements de reprise et que cela conduirait les indices aux niveaux auxquels ils sont aujourd’hui.

 

Ainsi, comme chaque année, LE FIGARO interroge une vingtaine de grandes banques ou « brokers » (ex agents de change) de la place parisienne sur leurs pronostics de fin d’année ; pour l’indice CAC 40, le 2 janvier 2008, le plus pessimiste d’entre eux prévoyait 4.700 points pour fin 2008 contre 6.000 points pour le consensus moyen. Au 19 mars le CAC 40 était à 4.555,95...

 

Il faut noter toutefois l’écart sensible entre les places européennes et américaines ; hier, l’indice Euro Stoxx 50 perdait plus de 19,5% depuis le début de l’année, alors que le SP 500 (500 plus grosses valeurs américaines) ne reculait « que » de 11,57% sur la même période. Et pourtant la crise actuelle est bien partie de la situation des crédits aux Etats-Unis...

 

Dans ce contexte difficile, les gérants actions « value » ont continué leur travail habituel de sélection de titres décotés. Face à l’ampleur de la baisse, ils n’ont pas pu, à quelques rares exceptions près, éviter le repli de leurs portefeuilles, même si ce repli est en général plus limité.

 

Dès le mois de janvier, des sociétés de gestion comme DNCA Finance, avaient recommencé à investir sur des titres manifestement très décotés, présentant parfois des PER nettement inférieurs à 10. Et pourtant ces PER ont continué à refluer pour atteindre des niveaux rarement atteints (cf étude jointe). Ainsi, RENAULT, au 18 mars, affiche un PER 2008 de 5,18, PEUGEOT un PER de 7,34 ou AIR France un PER de 4,99.

 

Parallèlement, les taux de rendement escomptés pour 2008 atteignent des records ; un fonds comme TOCQUEVILLE DIVIDENDE EUROPE est constitué d’actions dont le taux de rendement prévisionnel moyen est de plus de 5%. Certes, les prévisions de bénéfices seront vraisemblablement revues à la baisse puisque celles-ci sont attendues en hausse de 10% environ pour 2008 ; mais cela laisse une importante marge de manoeuvre. En effet, une baisse de 30% (ce qui, selon JACQUES CHAHINE FINANCE, ne s’est jamais vu dans le passé) des bénéfices ferait passer les PER de 10 à 14,5, ce qui serait encore correct au regard des statistiques passées.

 

On peut comprendre, dans ces conditions, que les gérants soient un peu déroutés dans leurs analyses. Pour autant, ils continuent à s’en tenir, comme ils l’ont toujours fait, aux fondamentaux des sociétés ; c’est à dire leurs perspectives de marchés, la récurrence de leurs résultats, la qualité et la stabilité de leurs équipes dirigeantes... D’autres sociétés de gestion comme CARMIGNAC, ont préféré diminuer leur exposition en début d’année, prévoyant une année difficile. Cette stratégie est très délicate à tenir car elle présente le risque d’être à contre courant lorsque les marchés se reprennent ; sur le long terme elle peut néanmoins s’avérer payante comme en témoignent les résultats brillants réalisés par certains fonds de cette société depuis plusieurs années.

 

Les économistes de la société ODDO anticipaient , début février, une baisse supplémentaire possible du CAC 40 de l’ordre de 15 % ; il était alors autour de 4.800 points.

 

Face à ces incertitudes, la société de gestion SYCOMORE ASSET MANAGEMENT a réalisé une étude basée sur l’analyse statistique du comportement des marchés dans le passé (voir étude en pièce jointe). Cette étude peut redonner quelques raisons d’être optimistes même si les conditions de marchés passées ne sont pas nécessairement reproductibles dans les conditions actuelles. Elle ne constitue donc en rien une incitation à garder ou à acquérir des actions ou des fonds actions.

 

Les prévisions tant du FMI que de Monsieur GREENSPAN ne sont pas rassurantes ; ce dernier parle d’une crise que les Etats-Unis n’ont pas connue depuis la seconde guerre mondiale, pour ne pas dire depuis 1929. Or la crise de 1929 a d’abord été une crise financière avant de se généraliser à toute l’économie. Il semblerait néanmoins que le système bancaire soit nettement plus solide aujourd’hui et que les banques centrales disposent de moyens dont elles ne disposaient pas à l’époque. Par ailleurs, il se trouve que l’actuel président de la FEDERAL RESERVE, Monsieur BEN BERNANKE, est considéré comme le spécialiste de la crise de 1929. On peut donc penser que celui-ci est particulièrement bien placé pour gérer la crise actuelle.

 

La nouvelle baisse du taux directeur de la FED à 2,25% (taux auquel les banques placent à la FED) et celui du taux d’escompte à 2,50% (taux auquel les banques empruntent à la FED) va dans ce sens même si certains parlent de l’effet d’une « ficelle que l’on pousse » pour juger de l’efficacité d’une telle mesure ; la crise financière étant surtout une crise de solvabilité, c’est à dire une crise de confiance dans la capacité des banques à rembourser les emprunts qu’elles contractent auprès des autres. Il reste que cette baisse devrait leur permettre de reconstituer leurs marges et donc leurs fonds propres, tout en permettant également aux emprunteurs finaux (dans l’immobilier notamment) de faire face plus facilement à leurs engagements. Plus généralement, les économistes estiment que cela devrait permettre de limiter dans le temps et dans son ampleur le risque de récession aux Etats-Unis.

 

SYCOMORE a pu constater que, dans le passé, l’économie américaine avait recommencé à progresser dans un délai de 8 à 10 mois suivant les baisses de taux et que les marchés boursiers anticipaient de 4 mois le redémarrage de l’économie. Bien entendu, cela reste purement théorique car, comme nous l’avons vu plus haut, la crise actuelle n’est pas comparable à celles que l’on a connues précédemment.

 

Dans ces conditions, l’investissement actions reste, comme toujours, un investissement risqué qui suppose de ne pas avoir de besoins à court terme et que l’on accepte une perte en capital, au moins temporairement.


 

Note d’information sur les marchés.                                                           Lundi 7 juillet 2008.

 

Après une accalmie en mai, les marchés ont à nouveau fortement baissé en juin. Le déclencheur a été l’annonce par la BCE de la probable montée de ses taux directeurs, ce qui a été confirmé le 3 juillet dernier (taux de refinancement passé de 4% à 4,25%).

 

L’objectif étant d’endiguer l’inflation qui a atteint 4% en juin après 3,7% en mai, conséquence de la hausse des matières premières ; c’est aussi un avertissement aux différents acteurs économiques visant à éviter à tout prix la spirale « inflation - hausse des salaires - inflation ».

 

A cela s’ajoutent les craintes d’une hausse supplémentaire du pétrole sous l’effet principal de la baisse du dollar et de la hausse de la consommation estivale aux USA.

 

Le président de l’OPEP, Monsieur CHAKIB KHELIL, prévoit un pétrole entre 150 et 170 dollars au cours de l’été ; il fait néanmoins remarquer qu’aucun pays n’a manqué de pétrole jusqu'à maintenant et que l’OPEP fera en sorte d’ajuster la production à la demande. Il affirme par ailleurs que les réserves de pétrole sont de 50 ans et que les cours actuels n’auraient pas lieu d’être avec un dollar normalement valorisé et sans spéculation.

 

Selon l’Institut Français du Pétrole, l’augmentation des capacités de raffinage devrait être de 4,3 mbj  (millions de barils par jour) d’ici 2011, ce qui serait insuffisant pour satisfaire une hausse de 9,7 mbj évaluée par l’AIE (Agence Internationale de l’Energie), soit 10% de plus que la consommation actuelle (qui est de 86,5 Mbj). Or l’AIE a révisé déjà 5 fois à la baisse ses prévisions de consommation pour 2008 ; elle table désormais sur une hausse de 0,8 mbj contre 2,1 mbj en décembre 2007. Dans ces conditions, les problèmes d’approvisionnement pour 2012 évoqués par Monsieur de MARJORIE (Président du directoire de TOTAL) pourraient être repoussées de quelques années ? Toujours selon l’IFP, il serait plus vraisemblable que l’on atteigne, sous l’effet d’un équilibre offre/demande, un plateau de production à compter de 2010, plateau qui s’étalerait sur plusieurs années voire plusieurs décennies. Cet institut ajoute également que nous disposons également de 60 ans de réserves de gaz et de 155 ans de réserves de charbons. Or le transfert d’une énergie à une autre est possible dans une large mesure et a déjà commencé, notamment au niveau des entreprises.

 

Il n’en demeure pas moins que les prix élevés dépendent également des craintes de nouveaux cyclones dans le golfe du MEXIQUE (comme en 2005) ou de guerre en IRAN ; pays qui produit près de 4 mbj. Dans le premier cas, l’OPEP pourrait éventuellement compenser la chute de la production mais pas dans le second (selon Monsieur KHELIL). Les conséquences sur les prix seraient alors difficiles à évaluer. Le Directeur Général de GAZPROM, Monsieur MILLER, évoque quant à lui un prix de 250 dollars le baril mais sans en préciser l’échéance.

 

En l’absence de ces événements, et une fois que les phénomènes spéculatifs auront atteint leur limite, il est probable, selon plusieurs sociétés de gestion, que les cours de l’or noir retrouvent des niveaux nettement plus bas.

 

En attendant, ce contexte difficile va avoir des répercussions importantes sur la croissance économique et notamment en EUROPE avec la politique de la maîtrise de l’inflation menée par la BCE. Ce devrait être le cas également dans certains pays émergents, plus sensibles à la hausse des matières premières et à la hausse des salaires qui s’en suit.

 

Pour autant, cette crise, si elle touche de nombreux secteurs comme la banque, la grande distribution ou certaines valeurs industrielles, peut avoir des répercussions moins fortes sur d’autres, comme les télécom, les industries pharmaceutiques, les « utilities » (distribution d’électricité, d’eau, services aux collectivités locales...). Elle peut aussi être favorable à d’autres secteurs comme les producteurs de matières premières (minerais, pétrole, agriculture...) et à leurs fournisseurs ; mais aussi au secteur des énergies alternatives (éoliennes, panneaux solaires, pompes à chaleur...). Ce qui ne signifie pas qu’il faille investir nécessairement dans ces secteurs ; si certaines entreprises sont à des prix d’achat très intéressants, d’autres sont probablement surévaluées (dans les minerais par exemple).

 

Les marchés financiers semblent avoir largement anticipé cette crise puisque les cours des actions dans leur ensemble correspondent à des PER attendus pour 2008 inférieurs à 10 et des résultats des entreprises pour 2009 en retrait de plus de 30%.

 

Il semblerait que nous connaissions les mêmes excès qu’en 2000, mais en sens inverse cette fois. Les PER avaient alors atteint des niveaux de 27 ; et on se souvient de la correction qui s’en suivit.

 

Face à cette volatilité, les gérants actions gardent - comme en l’an 2000 - la même façon de travailler ; c’est à dire qu’ils investissent dans des entreprises sélectionnées pour leur solidité financière, leur management, la récurrence de leurs dividendes et leurs perspectives bénéficiaires en free cash-flow.

 

Ce qui ne veut bien évidemment pas dire que les indices ne vont pas continuer à baisser, sous l’effet d’un « newsflow » économique qui pourrait bien continuer à être négatif. La bourse anticipe toujours de plusieurs mois l’économie réelle ; elle a anticipé le ralentissement qui se profile aujourd’hui ; il est probable qu’elle anticipera également un éventuel redémarrage de celle-ci.


 

Mercredi 10 septembre 2008.

 

Après un plus bas de l’année le 15 juillet à 4.061 points (qui a suivi la hausse des taux de la BCE le 3 juillet), le CAC 40 a repris près de 12% à 4.539 au 2 septembre, sous l’impulsion de la baisse des matières premières et de la hausse de la devise américaine.

 

Cet élan d’optimisme a été stoppé net la semaine dernière, principalement le jeudi 3 septembre par l’annonce d’une hausse plus importante que prévu du nombre de demandes hebdomadaires d’allocations chômage aux USA (+15.000 à 444.000 contre 429.000 attendus). Ce chiffre allait dans le même sens que la destruction de 33.000 emplois dans le secteur privé américain en juillet contre 30.000 attendus.

 

Ces données, couplées avec la baisse des matières premières, ont été considérées comme la confirmation d’un ralentissement économique voire la crainte d’une récession.

 

Par ailleurs, la baisse du dollar vient contrarier la reprise des exportations américaines qui avaient progressé (+ 13,2% en rythme annualisé) au cours de ces derniers mois.

 

Le constat est similaire en France où le taux de chômage s’est stabilisé à 7,2% alors qu’il aurait dû mécaniquement baisser dans la mesure où le nombre de départ à la retraite est supérieur à l’arrivée des jeunes sur le marché du travail.

 

D’ailleurs le gouvernement a bien confirmé qu’il n’attendait guère plus de 1% de croissance en 2008 contre 2,25% envisagés en fin d’année dernière.

 

Pour l’année 2008, les prévisions de croissance du FMI seraient de 1,3% pour les USA et de 1,4% pour la zone EURO. Pour 2009, ses prévisions ont été revues à la baisse à moins de 1% pour les deux zones.

 

Ces nouvelles peu réjouissantes ont néanmoins été atténuées par la décision du gouvernement américain de rentrer dans le capital des agences de refinancement hypothécaire FANNIE MAE et FREDDIE MAC. Ces deux organismes qui étaient, encore récemment, considérés comme virtuellement en faillite, refinancent  5.400 milliards de dollars de crédits hypothécaires. Or ces établissements se refinancent eux-mêmes par l’émission d’obligations à long terme qui se retrouvent dans tout le système financier mondial (banques, assurances, caisses de retraites, OPCVM...).

 

Même si la garantie de l’état américain était auparavant implicite, cela ne suffisait pas à rassurer. En promettant d’injecter jusqu'à 100 milliards de dollars si nécessaire, le gouvernement a cette fois donné sa garantie explicite et donc considérablement redonné confiance dans les valeurs financières.

 

Cela devrait aussi permettre à ces organismes de reprendre le refinancement des prêts hypothécaires à des taux plus bas et de contribuer ainsi à ralentir la chute du marché immobilier américain.

 

En ce qui concerne les pays émergents, leur croissance connaît également un ralentissement. Néanmoins, l’an prochain, selon CARMIGNAC GESTION, la croissance devrait tout de même être de 7% en RUSSIE et en INDE, de 4% au BRESIL et de 8 à 9% en CHINE. On sait que la CHINE est très dépendante de ses exportations mais elle l’est de moins en moins. Ainsi, toujours selon CARMIGNAC, les exportations nettes (en 2007) ont contribué à hauteur de 16% à sa croissance contre 22% en 2005. Parallèlement, les contributions de la consommation des ménages et de l’investissement ont été respectivement de 30 et 38%.

 

En conclusion, les gérants restent très prudents actuellement et ne voient pas de hausse durable des marchés actions à court terme. Ils estiment que la volatilité devrait rester forte et durable. Des gérants de la société de gestion LA FRANCAISE DES PLACEMENTS renforceront leur exposition si le CAC atteint 4.100 points et les allégeront si le CAC atteint 4.600 à 4.700 points.

 

Il reste que les valorisations actuelles des sociétés du CAC 40 restent toujours sous valorisées si l’on en croit le consensus des analystes. Ainsi 3 valeurs sont recommandées à l’achat, 27 sont à « renforcer » et 10 à « conserver ». Aucune valeur n’est conseillée comme étant à « alléger » ou à « vendre ».

 

Les mouvements sur certaines actions peuvent être de grande ampleur et très rapides ; ainsi, AIR-FRANCE KLM qui avait perdu jusqu'à 43% de sa valeur au 15 juillet a repris 30% depuis, sous l’influence de la hausse puis de la baisse du pétrole.

 

Face à cette volatilité, très difficile à gérer, les gérants en profitent néanmoins pour réaliser des arbitrages fructueux qui devraient leur permettre de réaliser des performances relatives intéressantes.